mercredi 3 octobre 2007

Compte rendu

Compte rendu : « Les néologismes : une réalité difficile à cerner. »

PRUVOST, Jean et SABLAYROLLES, Jean-François, chapitre II : Une réalité difficile à cerner, Les néologismes, Que sais-je?, 2003, p.32-42

Jean Pruvost est Professeur à l’Université de Cergy-Pontoise où il y enseigne la linguistique, la lexicographie et la lexicologie. Il gère un laboratoire dédié aux dictionnaires ainsi qu’à leur histoire. Jean-François Sablayrolles est agrégé de grammaire et linguiste.

Le deuxième chapitre du livre Les néologismes intitulé « Une réalité difficile à cerner » démontre la difficulté à identifier un néologisme. Cette difficulté à cerner le néologisme vient du fait que celui-ci se « fond » au décor. Il n’est pas évident de délimiter sa réelle entité, lexicale ou syntaxique. Selon les linguistes, il faut faire la distinction entre néologisme (nouveau mot) et polysémie (un mot a plusieurs sens).

Les auteurs mentionnent qu’au XIXe siècle, la grammaire historique dominait. La grammaire historique reconnaît à la langue non seulement une nature, mais aussi une histoire. La langue était alors considérée comme une alliance distincte d’un lexique (collection de mots) et d’une syntaxe (règles régissant l’agencement des mots). Un des néologismes le plus difficile à cerner est le groupe de mots lexicalisés comme par exemple : au niveau du vécu, quelque part. Ces expressions sont-elles des néologismes sémantiques (de sens), par exemples, babillard au sens de « tableau d’affichage » et dépanneur au sens de « magasin »); ou seulement des effets de style? Il est important de mentionner que la néologie naît des rapports sémantiques et syntaxiques.

Par la suite, les auteurs opposent deux points de vue. D’abord, celui des distributionnalistes. « Ils sont attentifs aux cooccurrences d’un mot, à la distribution de ses emplois syntaxiques, chaque nouvel usage grammatical distinct est assimilé à une homonymie. » (p.35)
En revanche, la lexicologue Jacqueline Picoche recherche pour chaque mot « le signifié de puissance » s’y rattachant. « C’est-à-dire tout ce qui peut donner lieu à création de nouveau sens […] Le néologisme perd alors de son intensité pour se noyer dans la polysémie. » (p.35)


Les linguistes tiennent aussi compte de l’espérance de vie du néologisme. Dans les années 60, la durée de vie était d’un peu plus de dix ans. Au XXIe siècle, cette durée de vie a diminué à cinq ans. Autre point important, le néologisme est contraint à deux dimensions complémentaires : le temps et l’espace. Deux étapes essentielles pour distinguer la diffusion d’un néologisme, surtout pour les termes spécialisés. « Algicide, par exemple, est attesté dès 1974 sous sa forme adjectivale […] et il s’est rapidement répandu sous sa forme nominale. » (p.38)
Un terme spécialisé désignant une réalité connue par seulement quelques professionnels peut connaître une seconde vie. Pour ce faire, il doit entrer dans l’espace du large public. D’une faible fréquence dont l’usage restreint lui appartient, il sort de sa cachette et fait peau neuve auprès du public. C’est de cette façon qu’il s’installe dans le dictionnaire général et qu’il se fait connaître dans la langue parlée. Bref, l’usage permet à un terme technique ou spécifique de naître.

Contrairement aux néologismes littéraires, que l’ont retrouvent particulièrement dans les ouvrages, mais rarement dans les dictionnaires, les néologismes techniques témoignent du monde en mouvement dans lequel nous vivons. À noter qu’il y existe aussi des néologismes fautifs, s’éloignant de la norme. Par exemple, pain de savon ou savonnette devrait être employé au lieu de barre de savon. Selon les auteurs, les néologismes fautifs doivent être corrigés et ensuite, peuvent être admis dans la langue.

En ce qui concerne la phonétique, «la mauvaise perception de l’unité lexicale peut engendrer un néologisme durable. Par exemple, les enfants qui ne repèrent pas la liaison entre la consonne finale et la voyelle initiale du mot suivant (un noiseau, au névrier) ou qui ne perçoivent pas les unités sonores de la langue (un gros codile), donne naissance à des mots charmants. » (p.39) Au fil des ans, on remarque « l’agglutination de l’article, le lierre devient l’ierre, la luette (l’uette) et un nombril (un ombril) et la déglutination : la griotte (l’agriotte) ma mie (m’amie). Le français populaire n’échappe pas à cette règle. Par exemple, zyeuter (les yeux). » (p.39-40)

En sémantique, l’orientation du registre de langue d’un mot est occasionnellement marquée, ce qui donne parfois une tournure néologisante. Un mot peut se retrouver dans le style soutenu et/ou dans le style populaire. Par exemple, gruger se retrouve à la fois dans un registre soutenu par sa définition («Litt. Voler, tromper quelqu’un», Petit Larousse 2003) et à la fois dans un registre populaire «Pour gruger dans le trom, c’est toute une technique.» (p.40) Gruger est employé comme synonyme du verbe
arnaquer.

En conclusion, mentionnons que les néologismes fusent de toutes part, sans que l’on puisse nécessairement les reconnaître et les définir. Ils apparaissent soudainement et nous donne du fil à retorde par l’addition, la modernisation ou la progression des marques d’usage qui ne sont pas inventoriées dans les dictionnaires.

Aucun commentaire: